Toespraak van minister Koenders tijdens opening Europa seminar in Parijs op 17 juni
Toespraak van minister Koenders (BZ) op 17 juni 2015 in Parijs tijdens de opening van het Europa seminar. De toespraak is alleen in het Frans beschikbaar.
Mesdames, Messieurs, cher Laurent,
La France et les Pays-Bas sont apparentés par l’histoire, attachés par des liens amicaux et unis dans un même avenir européen.
On entend souvent dire que nos pays s’opposent en de nombreux points : un grand et un petit territoire, une nation de philosophes, une autre de commerçants, une gastronomie raffinée d’un côté, une simple cuisine familiale de l’autre. Les Pays-Bas souhaitaient voir le Royaume-Uni rejoindre l’Europe, mais les Français refusaient. Je pourrais citer bien d’autres exemples. S’ils possèdent tous une part de vérité, ce qui en fait des clichés, ils ne correspondent pourtant pas vraiment à la réalité. Nos drapeaux diffèrent, mais ils comportent les mêmes couleurs : franches, fières et porteuses d’espérance.
Nos pays sont animés par le même sentiment que 'rien n’est impossible'. Pour reprendre les mots de Napoléon : 'Ce n’est pas possible ; cela n'est pas français.' Et je me permettrai d’ajouter : 'Cela n’est pas néerlandais non plus !'.
Les Français et les Néerlandais ont maintes fois connu un cheminement similaire. Les grands philosophes français, toujours très lus, ont souvent publié leurs ouvrages à Amsterdam. Nous avons soutenu ensemble la naissance des États-Unis et avons œuvré de concert à la construction de l’Union européenne sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale. Les Pays-Bas et la France, patrie de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, ont lutté des siècles durant pour les mêmes valeurs. Aux moments décisifs, nos deux pays étaient du bon côté de l’histoire.
Pendant la visite de François Hollande aux Pays-Bas en 2014, il est apparu clairement qu’en tant que cofondateurs de l’Union européenne, mais aussi en tant que voisins, la France et les Pays-Bas ont des points de vue communs dans de nombreux domaines.
Hors de l’Union, les populations rêvent de l’Europe, elles manifestent pour obtenir des droits comparables et la seule perspective d’une association avec elle mobilise des milliers de personnes. Non seulement pour les avantages commerciaux, mais surtout car elle est porteuse de valeurs fondamentales comme la liberté et la bonne gouvernance. Hors de ses frontières, l’Union européenne est vue comme une garantie de sécurité et d’espoir.
Mais en son sein, l’incertitude et le manque de confiance et d’assurance vont croissant. L'irritation monte devant l'influence grandissante de Bruxelles et la multiplication de règlements et de subventions complexes. Parallèlement, c’est son indolence qui lui est reprochée, lorsque de grandes banques tombent, que l’éruption d’un volcan paralyse la circulation aérienne, que des médecins déclarés incompétents peuvent continuer tranquillement leurs activités à l’étranger ou en cas de dangereuse épizootie. Suite à la crise de l’euro, la solidarité européenne a été durement mise à l’épreuve et le fossé entre les États membres se creuse davantage. On entend souvent dire que les fautifs, ce sont « les autres », alors que c’est à « nous » qu’est présentée l’addition. L’intensification de la coopération européenne est ressentie par beaucoup comme une perte d’identité et de contrôle, même si elle permet de prévenir des crises futures de façon appropriée. C’est là un défi qui concerne non seulement les Pays-Bas, mais aussi l’ensemble du continent européen.
Nous devons y être sensibles et agir en conséquence.
Il est plus important que jamais de favoriser une coopération étroite entre nos deux pays. Nous ne pouvons nous permettre de prêter l’oreille aux clichés superficiels des experts de salon ; nos intérêts stratégiques nous forcent à coopérer. Aux portes de l’Union européenne règnent l’instabilité sociale et la volatilité politique, si ce ne sont la guerre, la violence et le terrorisme. Le conflit en Ukraine, la crise humanitaire en Méditerranée et la vague de terreur répandue au Moyen-Orient par l’extrémisme religieux nous rappellent que la paix et la sécurité européennes sont toutes relatives. Les citoyens de l’Union peuvent être touchés demain par ce qui se passe aujourd’hui quelque part ailleurs dans le monde. Témoin le crash du vol MH-17 abattu par un missile et l’attentat contre nos libertés le 7 janvier dernier ici à Paris, qui nous a tous remplis d’horreur.
Ces évolutions font qu’à l’heure actuelle, l’Union européenne traverse une zone de turbulences et est en proie à une crise de confiance. Chacun respecte-t-il les règles convenues ? Les entreprises bénéficient-elles partout des mêmes conditions ? Et les citoyens, qui ressentent qu’ils doivent payer pour les défaillances des banques, ont-ils obtenu une contrepartie équitable de la part de leurs gouvernants ?
À cet instant même, les pourparlers sur l’avenir de la Grèce au sein de la zone euro se poursuivent. Comme je viens de le dire : rien n’est évident, rien n’est inéluctable. Cela vaut aussi pour l’éventuelle sortie du Royaume-Uni. En réalité, les termes de Grexit ou de Brexit ne concernent pas uniquement la Grèce ou le Royaume-Uni. Il y va de l’avenir de l’Europe et de nous tous. Quelle que soit l’issue de cette situation, il est indéniable qu’un Brexit ou un Grexit seraient des événements politiques de première importance.
Dans un tel contexte, nous devons nous poser plusieurs questions : 'Quelle Europe voulons-nous et que voulons-nous être?', 'Quels sont les éléments qui nous unissent?' et 'Comment devons-nous nous organiser?' Face à ce dilemme, la coopération entre les États membres de la première heure est capitale.
S’il est vrai que l’Union européenne imprègne notre quotidien, les chiffres bas en termes de soutien pour l’Union Européenne tout de même inquiétants. Pour accroître sa légitimité, les gouvernements européens, ainsi que les institutions communautaires, doivent déployer des efforts pour inverser la tendance et veiller à ce que l’Union se concentre sur ses missions fondamentales. La France et les Pays-Bas peuvent prendre ensemble les devants.
Dans la perspective de la présidence de l’UE, qu’ils assureront au début de l’année 2016, les Pays-Bas espèrent pouvoir compter en premier lieu sur le soutien de leurs voisins.
Conscients de la responsabilité qui leur incombera, ils souhaitent que cette nouvelle année soit, avec l’aide de tous les États membres, l’occasion de tourner ensemble la page. Sortir du défaitisme, de la crise. Aller de l’avant, se mettre au travail. Si toutes les pages ne se laissent pas aisément tourner, nous devons néanmoins retrouver un courant ascendant. Les premiers signes ténus de reprise sont là.
C’est pourquoi la présidence néerlandaise aura pour mot d’ordre : une Europe axée sur l’essentiel, visant une croissance innovante et cherchant à rétablir le lien avec les citoyens. Nous nous efforcerons d’agir dans la ligne du programme stratégique adopté par le Conseil européen et du programme en dix points du président Juncker. À ce propos, nous attendons avec impatience la lettre d’intention détaillée que la Commission présentera après l’été.
Dans ce contexte, nous observons avec confiance et espoir le renouveau de l’axe franco-allemand. Au vu de leurs diverses contributions au débat sur le Rapport des quatre présidents, nous pensons que les Français et les Allemands sont sur la bonne voie : laisser les chimères institutionnelles et bâtir sur ce qui existe déjà. Rompre de façon pragmatique avec les bras de fer à 28. Pour ma part, je pense plus particulièrement à un Schengen économique, au sein duquel un groupe de tête, ouvert et inclusif, coopère dans le cadre du traité actuel.
Il s’agirait là d’une Europe ayant une légitimité démocratique et capable de rallier ses citoyens. Un potentiel important reste inutilisé dans le cadre des traités existants. J’aborderai donc rapidement quelques-unes des réformes qui permettront de renforcer la légitimité démocratique de l’Union européenne et qui seront au cœur du séminaire d’aujourd’hui.
Bonne gouvernance
Je commencerai par la bonne gouvernance. Il incombe à tous les États membres d’élaborer, tant au niveau national qu’européen, des améliorations concrètes qui rendent les administrations nationales aussi performantes et fiables que possible. Les États membres sont les piliers sur lesquels repose l’Union, le matériau dont elle est faite. Sans États membres forts, pas d’Union forte.
Miser sur une meilleure gouvernance revient essentiellement à miser sur la confiance au niveau des États membres, des entreprises et des citoyens. La confiance envers les institutions nationales propres mais aussi envers celles des autres États membres. Tous doivent pouvoir compter sur le fait que ce dont ils conviennent ensemble à Bruxelles est mis en œuvre et appliqué au niveau national. Que, par exemple, les réformes structurelles décidées sont menées et que la politique économique est basée sur des données nationales fiables. Les entreprises doivent pouvoir tabler, où qu’elles opèrent, sur l’application cohérente des règles du marché intérieur et sur un déroulement correct et rapide des procédures de faillite. Enfin, le citoyen doit savoir que dans aucun des États membres il ne sera en butte à la corruption de l’appareil administratif ou du pouvoir judiciaire. Il nous faut donc repenser les termes du problème : la solution ne vient pas toujours de Bruxelles, il faut la chercher chez nous. Seuls des États membres forts garantiront une UE forte.
Transparence
Il y a quelques semaines, la Commission a proposé un nouvel accord interinstitutionnel. Un point majeur de ce projet vise à la transparence du processus décisionnel européen, ce que les Pays-Bas considèrent comme essentiel. Sans transparence, il ne peut être question de bonne gouvernance, de légitimité démocratique de l’Union ni de citoyens satisfaits.
Outre la question de la transparence, celle de la complexité de la réglementation européenne préoccupe les Pays-Bas. Les citoyens et les entreprises se perdent dans un véritable labyrinthe de règles et de procédures, ce qui n’aide pas à rendre l’Union crédible. La simplification de la règlementation européenne – et je touche là au cœur du séminaire d’aujourd’hui – est un défi majeur que nous devons relever ensemble. Dans le projet d’accord institutionnel que je viens de citer, la Commission aborde également cette question. La consultation publique d’experts pendant le processus législatif contribue en particulier à sa légitimité démocratique, les citoyens et entreprises pouvant faire entendre leur voix. L’initiative de la Commission est louable, mais c’est maintenant aux États membres d’apporter une contribution solide aux prochaines négociations.
Nous avons besoin d’une Union qui corresponde aux souhaits et aux intérêts des citoyens et des entreprises. Cela implique en premier lieu de préciser ce que nous voulons régler au niveau européen et pourquoi. C’est la raison pour laquelle nos gouvernements respectifs plaident ensemble depuis un certain temps déjà en faveur d’une meilleure définition des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Nous pouvons décider de beaucoup de choses, voire de tout, au niveau européen, mais il nous faut aussi fixer des priorités.
Vous allez aujourd’hui approfondir les questions de la simplification et de l’amélioration de la réglementation. Pour moi, améliorer la réglementation relative à la liberté des citoyens européens revient à valoriser leur bien le plus précieux : leur propre travail. La liberté d’entreprendre et de commercer. La liberté, pour les petites entreprises, de ne pas subir les pratiques déloyales des grosses sociétés. Et la liberté, pour les entrepreneurs, de prendre des risques, d’échouer et de refaire une tentative, ce qui constitue le fondement d’une économie innovante. L’amélioration de la réglementation n’est pas un objectif bureaucratique, c’est une nécessité politique pour donner à nos citoyens, et donc à notre économie, davantage de liberté dans le déploiement de leur travail.
Meilleure réglementation n’est pas synonyme de froide dérégulation. Il ne s’agit pas de démanteler les normes en matière de défense des consommateurs, d’écologie ou de protection sociale. Il s’agit en revanche de réfléchir aux moyens de conserver ces normes dans le futur et à l’opportunité de modifier l’approche à cet effet. L’année passée, le retrait de certaines propositions environnementales a provoqué de nombreux débats. Toute l’attention s’est fixée sur le retrait en soi, mais pas sur ses raisons, à savoir l’élaboration de meilleures propositions. Je crois sincèrement qu’il est possible de simplifier le fonctionnement des formalités douanières et du prélèvement de TVA dans l’Union et, ce faisant, d’améliorer notre compétitivité sans avoir à abandonner les normes européennes.
Enfin, la proposition de la Commission européenne contient aussi un plaidoyer en faveur d’un rôle accru des parlements nationaux, ce dont les Pays-Bas se réjouissent. Plus les parlements nationaux pourront influer sur le processus législatif européen, plus ce processus gagnera en légitimité.
L’Union européenne se trouve dans un épisode critique de son existence. Dans cinquante ans, les livres d’histoire relateront une période précaire, où tout a été mis en œuvre pour parvenir à un résultat satisfaisant. L’issue ne dépend que de nous. Peut-être la politique européenne a-t-elle déjà vécu ses plus belles heures. J’espère que non, mais nous ne devons pas penser que le projet européen possède sa propre téléologie. Rien n’est irréversible, rien n’est inéluctable ; tout dépend de notre capacité à mener une politique raisonnable.
Mathieu Segers, qui participera plus tard à la table ronde, a très justement intitulé l’un de ses ouvrages : Waagstuk Europa, ce que l’on pourrait traduire par « La gageure européenne ». Adriaan Schout, directeur de l’Institut néerlandais pour les relations internationales Clingendael, est lui aussi expert en la matière. Il a reçu en 2007 le prix du meilleur livre dans le domaine de l’intégration européenne pour The coordination of the European Union: exploring the capacities of networked governance. Il se penchera tout à l’heure sur les réformes que je viens de mentionner et tentera de trouver comment la simplification du droit communautaire peut contribuer à renforcer la légitimité de l’Union européenne.
Je dirais, pour conclure, que la France comme les Pays-Bas – en tant que membres fondateurs de l’Union européenne – partagent le souhait de renforcer la relation entre l’Union et ses citoyens et de mieux encadrer la coordination entre politique nationale et politique européenne. Il vous revient aujourd’hui, au sein des groupes de travail, d’apporter une contribution à cet important débat qui – je l’espère – aboutira à des pistes pour atteindre ces objectifs ainsi qu’à des solutions pour l’actuelle crise européenne. Je vois en ce séminaire le début prometteur d’une série de rencontres entre experts français et néerlandais.
Les Pays-Bas et la France, la France et les Pays-Bas. Des pays différents, mais complémentaires. Il serait stupide de s’imiter, mais il serait impardonnable de ne pas joindre nos atouts humains et intellectuels, nos visions de l’avenir et notre audace. Quant au futur, nos deux pays ont la conviction que les plus beaux jours de l’Europe, de la France et des Pays-Bas restent à venir.